QUINTO CAMINO
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FRAGMENTS LITTÉRAIRES LA VISITE À LA CAVERNE
- DEUXIÈME VISITE À LA CAVERNE LE PUITS LA VOIE REDEMPTRICE LE SÉCRET FLEUR D´OR LA MAISON DE L´AMOUR HYMNE CRÉATION ÉTERNELLE RÉVEILLER LA PRINCESSE ENDORMIE LA LUMIÈRE CRUCIFIÉ

Textes

FRAGMENTS LITTÉRAIRES SYMBOLIQUES DE L´ENSEIGNEMENT ÉSOTÉRIQUE

L'enseignement ésotérique a de tout temps proposé aux disciples à la fois des schémas et des fragments littéraires présentés sous forme symbolique. Ceux-ci doivent être appris par cœur, puis représentés par un schéma. L'exercice inverse est aussi pratiqué : en partant d'un schéma, c'est alors un fragment littéraire qui doit être écrit.

Voici un de ces fragments :
Perdu dans une forêt pleine de bêtes féroces, mû par un sentiment confus mais profond, l'homme cherche éperdument l'issue. Exténué, après avoir couru mille dangers, le voici à la lisière.
Devant lui, s'offre un spectacle qui le plonge dans une admiration mêlée d'effroi : un château fort d'une sauvage beauté se dresse au-delà d'un large fossé rempli d'eau claire et vive. Derrière le château s'ouvre une vallée heureuse éclairée par les derniers rayons du soleil. Sur la gauche, l'horizon sombre, rougeâtre, annonce un orage.
Emerveillé, saisi du désir passionné d'atteindre le château, l'homme oublie les dangers et les fatigues auxquels il est exposé.
— Comment y parvenir ? se demande-t-il.
Soudain, il entend une Voix qui lui parle du tréfonds de son coeur.
— Le fossé, dit-elle, ne peut être franchi qu'à la nage.... Mais le courant est fort, l'eau glaciale.
Cependant, l'homme sent monter en lui un afflux de forces nouvelles. Décidé, il se jette dans le fossé.
Le froid paralyse son souffle. Mais, par une tension extrême de volonté, il parvient en quelques brasses à l'autre bord, saute sur la première marche de l'escalier où il prend pied. Trois autres marches immenses, de granit, le dominent. Elles conduisent à un large perron en hémicycle défendu par deux tours. Deux portes fermées y donnent accès.
Un hurlement parvient à ses oreilles. L'homme se retourne. A l'endroit où il se tenait il y a quelques instants, un troupeau de loups piétine.     
Le jour tombe. Dans la pénombre, il peut encore distinguer le flamboiement des yeux des bêtes affamées.
De nouveau, il entend la Voix qui lui dit :
— Somme toute, le risque n'était pas tellement grand puisque, si tu avais refusé de le courir, tu aurais été déchiqueté par les loups.
Terrifié après coup par le danger auquel il a échappé, l'homme mesure les difficultés qu'offre l'escalade.
A peine a-t-il essayé de grimper sur la deuxième marche qu'une pluie diluvienne s'abat, rendant les pierres glissantes et entravant ses mouvements. Il finit quand même par prendre pied. L'orage passe, la pluie diminue. Son visage et ses habits ruissellent sur la dalle.
— Peu importe, dit la Voix, tu t'étais déjà mouillé en traversant le fossé.
L'homme reprend son souffle et recommence l'ascension. La nuit tombe, le croissant de la nouvelle l´une apparaît, doré pâle, sur la droite, du côté du couchant.
Bon signe, entend-il au fond de lui-même.
L'homme sourit. A présent, il s'accroche aux moindres saillies pour gagner la troisième marche. Il y parvient, les mains et les jambes souillées de sang. Aussitôt qu'il s'est mis debout, une rafale d'un vent glacial manque de le jeter en bas. S'accrochant au sol, il grimpe jusqu'au pied du mur formant la quatrième marche et y trouve abri.
— Ce n'est pas encore tout, dit à ce moment la Voix. Ne t'attarde pas dans ton abri. Car la marche peut s'entrouvrir; alors la terre t'engloutira...
La résistance à l'ouragan, au lieu de l'exténuer, décuple les forces de l'homme. Il grimpe à présent sans trop de peine la quatrième marche qui a pourtant la même hauteur que les précédentes.
Dressé, il entend alors, tel un coup de tonnerre, la trompette d'alarme. Brusquement, un souffle brûlant l'atteint au visage. Il lève les yeux. Dans l'obscurité de la nuit, se dresse devant lui une figure lumineuse : c'est le Gardien. Vêtu d'une armure et d'un casque étincelants, le bras tendu, il tient à la main un glaive flamboyant dirigé vers l'homme.           
Qui es-tu, pèlerin ? demande-t-il. Dans quel but et au nom de qui as-tu franchi ces obstacles et grimpé l'escalier du paradis ?
Emporté par un élan de joie ineffable, l'homme répète à haute voix les paroles qu'il vient d'entendre au fond de son cœur. Il les sent à présent comme siennes et répond avec courage au Gardien :
— Je suis l'Ame qui cherche la félicité divine; une parcelle qui aspire à s'unir au Principe Créateur !
— Ta réponse est valable, réplique le Gardien.
La porte de la tour de droite s'ouvre. Le glaive retombe au fourreau. Le Gardien prend l'homme par la main et lui fait franchir le seuil de la porte ouverte...
L'aurore dore le Levant. Précurseur du Soleil, l'Etoile du matin brille au-dessus de la Vallée heureuse.

Voici un autre de ces fragments, pris dans la littérature classique. Il s'agit d'un passage de
Tourguéneff134.
Je vois un édifice, masse énorme. Dans l'avant-mur, une porte étroite, battants ouverts; derrière, de mornes vapeurs. Devant le seuil élevé, une jeune fille... une jolie fille russe.
Un souffle sort de ces vapeurs opaques et glacés, apportant des profondeurs de l'édifice, dans un courant d'air glacial, le son d'une voix lente et sourde.
— O toi qui aspire à franchir ce seuil, sais-tu ce qui t'attend ?
— Je le sais, répond la jeune fille.
— Le froid, la faim, la haine; les moqueries, le mépris, l'injustice, la prison, la maladie, même
la mort?
— Je le sais.
— T'attends-tu à être repoussée de tous ? T'attends-tu à la solitude complète ?
— J'y suis prête. Je le sais. Je supporterai toutes les souffrances et tous les coups.
— Même s'ils venaient non pas d'ennemis, mais de parents, d'amis ?
— Oui... Même d'eux...
— Bien acceptes-tu le sacrifice ?
— Oui.
— Le sacrifice anonyme ? Tu périras et personne... personne ne saura même quelle mémoire
honorer.
— Je n'ai que faire de reconnaissance et de pitié. Je n'ai que faire d'un nom.
— Es-tu prête pour le crime ?
La jeune fille baissa la tête.
— Même pour le crime.
La voix qui interrogeait ne continua pas tout de suite. Enfin, elle reprit :
— Sais-tu que tu peux ne plus croire un jour à ce que tu crois à présent, en venir à penser que
tu as été dupe et que c'est pour rien que tu auras perdu ta jeune vie ?
— Cela aussi je le sais. Bien que le sachant, je veux entrer.
La jeune fille franchit le seuil, un lourd rideau tomba.
Grinçant des dents, quelqu'un proféra derrière elle :
— Une sotte!
A quoi, venue de quelque part, une voix répondit :
— Une sainte!

134  J. S. Tourguéneff, poèmes en prose, Editions le Seuil. Première traduction intégrale publiée dans l'ordre du manuscrit original avec des notes, par Charles Salomon, Gap, Imprimerie Louis Jean, 1931. Ce poème fut censuré et interdit à l'époque.

“GNOSIS” TOME I BORIS MOURAVIEFF

LA VISITE À LA CAVERNE

 (“L´OUVERTURE DU CHEMIN”)

Un homme possédait tout ce que peut donner sur terre la richesse, l´amour et la science humaine ; et malgré tout l´inquiétude rongeait son cœur insatiable.
Il chercha l´apaisement dans de lointains voyages, mais il semble tourner en cercle sur lui-même comme si chaque étape le ramenait à son douloureux point de départ.
Il voulut affronter les sommets dangereux, mais il se contenta du risque et ne sut pas comprendre le sens de l´évasion. Errant de cime en cime à travers les solitudes neigeuses, ils les trouva vides de vie….Il demanda : « où est l´Esprit ? »
Il traversa les mers et les vit épuiser leurs vagues sur la rive. Mais rien en lui ne se révéla de leur mystérieux flux et reflux.
Le ciel étoilé des « Mages » de Chaldée le plongea dans une folie de calculs sans espoir.
Les sables du désert ravivèrent sa fièvre, car il ne put supporter leur silence, n´en ayant pas compris la voix.
Il se retrouva un jour au pays de sa naissance, aussi inquiet qu´à son départ.
Une nuit de printemps, il errait sans but dans bois de vieux chênes ; las de tout, il rêvait au pied d´un tronc brisé, quand il se  souvint d´une caverne profonde où vivait un ermite fort sage.
Il pénétra dans la grotte, tout gris de fumée, et trouva le vieil homme qui le fit asseoir auprès d´un feu de bois sec.

  • J´ai visité, dit-il, tous les lieux du monde, et n´ai pas trouvé la « réponse » .
  • Que cherches-tu ?
  • La Vérité
  • Ne sais-tu pas lire ?
  • J´ai déchiffre toutes les philosophies.
  • Qu´ont à faire les livres avec la Vérité ?
  • Qu´aurais je donc lie ?
  • Es-tu aveugle ? dit l´ermite ; si tu ne sais pas lire la Vérité que la Nature a « signée » dans ton corps, et dans la terre, et dans le ciel, peux-tu espérer déchiffrer ses secrets dans les écrits des hommes ?
  • Qu´est ce que la Vérité ? dit l´homme.
  • C´est ce qui est.
  • Quel homme la connaît ?
  • Celui qui connaît la Nature, et soi-même.
  • Je me connais fort bien !
  • Que sais-tu de toi ?
  • Je connais me défauts, mes vertus, mes goûts, dégouts, et volontés.
  • Tout cela, est-ce toi-même ? c´est prendre la foule pour l´individu !
  • Qui suis-je alors ?
  • Nul ne peut te le dire, si ce n´est ta conscience. Puisque tu as visité en vain l´extérieur de la terre, explore donc maintenant l´intérieur de ton monde ; il te réserve de surprises.
  • Je ne saurais comment faire. Veux-tu être mon guide ?
  • Je ne puis que dissiper les voiles, répondit le Sage, si tu le veux, en vérité.
  • L´ermite vint s´asseoir vis-à-vis du « chercheur » et après un silence, il dit :
  • Reflète toi…

Et l´homme, les yeux fixés dans les yeux de l´ermite y contempla son image.

  • Je vois « l´Autre », dit-il au Sage. Il scrute avidement tes pensées….il compose un questionnaire habile pour surprendre tes secrets…non, celui-là n´est pas moi !Moi, je ne veux pas cela.
  • Qu´en sais-tu ?Mais qu´importe, regarde : que fait-il maintenant ?
  • Des formules magiques ! Il appelle des pouvoirs, il veut dompter les hommes….il veut forcer l´amour…Il veut forger sa volonté pour venger une injure… C´est terrible, il veut…
  • Laisse ! Ses volontés reviendront le frapper à la tête.
  • Arrête-le, dit l´homme, il va devenir fou.
  • Je ne puis. Toi seul peux renoncer à ces « pouvoirs » maudits. Le veux-tu ?
  • Je renonce.

D´un souffle, l´ermite effaça la vision.

  • Si je puisse l´effacer, dit-il, c´est que ce  n´est pas toi. Cherche-toi, maintenant.

Il posa ses doit sur les tempes de l´homme.

  • Me voici ; mes pensées.

L´ermite sourit.

  • Ah ? Vraiment !

Les yeux clos, l´Autre, un moment, s´absorba… farandole effrénée d´idées enchevêtres ! elles s´enchaînent…..se suivent, affolée…. Les unes se dissipent en fumée, d´autres accourent… une en appelle d´autres….elles s´entrecroisent, se subdivisent, se multiplient….Je ne puis distinguer ; c´est un tourbe !
L´homme s´énervait ; il se prit au jeu. Il se voyait lui-même affrontant ces tourbillons et tentant vainement d´en endiguer le cours.
Dans toutes les directions, des idées allaient et venaient, des croyances entraient en lutte….Des doutes le tenaillaient, des opinions de toutes les couleurs se ruaient à l´assaut, voulant triompher de lui. Il se débattait et cherchait à se frayer un passage. Il les repoussait, tentait de les écarter pour « regarder  derrière»…Mais d´autres se précipitaient.

  • Assez ! cria-t-il, je ne distingue plus rien.

L´ermite fit un geste, et les mouvements se firent au ralenti. Alors comme en une scène dont tous les gestes se décomposent, les détails se révélèrent ; ce qui avait passé inaperçu prenait corps, la trame compliquée se clarifiait doucement et permettait d´en apercevoir l´enchaînement.
L´homme était stupéfait. Tous les concepts intelligents avaient une étrange allure boiteuse… ce qu´il avait nommé « logique » était brisé soudain par une conséquence nouvelle. Il apercevait les nœuds compliqués de ce qu´il avait cru impromptu.  Il suivait ses pensées jusqu´à leur origine et s´étonnait de leur diversité….Quoi ? ces inspirations qu´il avait crues siennes venaient de l´extérieur ?
Il voyait compilés un groupe serré, une masse d´idées étrangères qui composaient « son œuvre »….Une idée « génial » venait d´un adversaire ! d´autres, en longues chaînes tressées, se rattachaient aux traditions de famille…La plupart, arrachées au passage à mille d´autres courants brisées incohérentes, se renouaient avec effort à de brides de lectures, à des études personnelles. Quelle paternité lui restait-il en tout cela ?

  • Jusques à quand durera cette affreuse farandole ? s´écria-t-il.
  • Jusqu´à la mort de ton cerveau.
  • Ensuite, qu´en restera-t-il ?
  • Des formes flottantes sans ordre ni but, telles que tu les vois.
  • Ces formes, que deviendront-elles ?
  • La propriété  d´autres cerveaux qu´elles effleureront à leur insu.
  • Mais moi, qu´en emporterai-je ?
  • Rien, puisque l´instrument ne sera plus.
  • Que pourrais-je regretter ? soupira-t-il. Si peu de cela était à moi ! Le Moi, où donc est-il ?....
  • Cherche encore.

L´ermite toucha du doigt le plexus de l´homme et l´homme tressaillit autour de lui, comme une marée montante, des vagues d´émotions déferlaient ; espoirs, amours, rancœurs l´assaillaient, tels qu´il les avait subis en des jours encore proches ; il frémit.

  • Je les connais, dit-il, pourquoi les ranimer ?

Il les revivait avidement, tentait, sans y parvenir, de saisir au passage des images aimées, refoulait des douleurs qu´il trouva déjà excessives ; d´un geste las il voulut les effacer, mais les images se modifièrent ; d´autres plus anciennes, remplacèrent les premières ; comme un film qui se déroulerait à rebours, les flots de souvenirs se mirent à remonter le cours du temps ; et l´homme regardait sans comprendre. Les aventures passionnées où se débattait « son reflet » ne lui causaient nul émoi ; sans aucun trouble il l´observait, s´élevant au paroxysme du bonheur ou sombrant dans le désespoir ; tout au plus un sourire indulgent saluait certaines exubérances ; il s´étonnait des ondes de joie qui éclairaient telles scènes, refoulait des vagues de colère dont il ne comprenait plus le sens.
Où était-il, lui, le  Moi d´aujourd´hui, dans  ce roman du passé ? Ce qui pourrait encore répondre en lui à ces échos aurait des vibrations si différents!
De toutes ces ondes en mouvement, quelques unes au moins composaient-elles SON  harmonie ? Comment les reconnaître ?

  • Pour le savoir, dit l´ermite répondant à sa pensée secrète, il faut approfondir encore davantage.

Il posa sa main sur la nuque de l´homme.
Celui-ci un instant, resta muet, secoué par un frisson violent, un flot de sang lui monta au visage.
 Tout à coup il se révolta :

  • Qu´ai-je encore à faire avec ces horreurs ? n´ai-je pas rejeté toutes ces obsessions ? Elles ne  m´atteignent pas !
  • Si tu en es libéré pourquoi te troublent-elles ?

L´homme tremblait, il essayait vainement de fuir l´évocation ; le souffle haletant, les reins en feu, malgré lui peu à peu, il cédait à l´emprise. Des images brûlantes affluaient…des tentations de perversions machiavéliques jouaient avec des folies sensuelles….
Une rage possessive luttait avec un sadisme sournois, se confondait avec une érotique vécue, révélant le sabbat inavoué de ses rêves.
L´ermite laissa s´apaiser la tempête.
Alors, l´homme brisé, questionna :

  • Je suis venu chercher la paix, pourquoi as-tu réveillé mes démons ?
  • Tu es venu chercher la Vérité ; la paix en est le fruit ; il faut d´abord revigorer les racines profondes.
  • Las racines profondes plongent-elles dans cette tourbe ?
  • Les vices sont le résultat de déviations de tendances  naturelles de ton Entité. Ils deviennent des oppositions à la destinée de ton être.
  • Faut-il  donc laisser ces oppositions s´affirmer ?
  • Il est indispensable de les reconnaître comme telles afin d´élargir la Conscience.

L´homme eut un rire amer :

  • La Conscience se trouve-t-elle dans le fumier ?
  • Tu ne crois pas si bien dire ! c´est quand les éléments contradictoires entrent en lutte que se dévoile leur vraie nature. La Qualité spécifique que tu incarnes ne se révélera que par le choc du contraste.
  • « Ainsi la nature « martienne », toute de violence, se fera facilement l´esclave de Vénus.

« Le Vénusien porté vers la beauté, cherchera plutôt à se salir pour éveiller sa conscience de cette beauté.
« Le « Solaire », dominateur, peut être masochiste.
«  Et le « Saturnien » amoureux de  solitude et de mystère, cherchera souvent sa complémentation dans l´exhibitionnisme.

  • L´Esprit en l´homme, ne peut-il ressusciter sans ces troubles ?
  • La descente aux enfers précède la résurrection !
  • Sais- tu où est l´enfer ?
  • Dans les entrailles de la terre de ton corps ! Mais son feu est aussi celui qui cause la résurrection !
  • Comment un même principe peut-il produire des effets opposés?
  • Ton âme, incarnée en ta matière, en a épousé les grossièretés ; elle ne peut s´en libérer que par la subtilisation de ce qui, activement, a pu se lier à elle.
  • Cela ne répond pas à ma question.
  • Parce que tu ne vois pas le double mouvement de la Vie ; le besoin de se voir en reflet a causé la séparation ; le besoin de réunification provoque l´attraction. Mais la réunion ne se fera que lorsque chaque complément sera « devenu lui-même » en perfection. Comment le pourrait-il sans reconnaître toutes ses tendances ?
  • Il faut donc plonger dans toute cette ordure pour se régénérer ?
  • JE N´AI PAS DIT CELA ! AUCUN SAGE NE PEUT CONSEILLER A UN HOMME L´ÉXPÉRIENCE PHYSIQUE DE TOUTES SES TURPITUDES ! MAIS NUL N´ARRIVERA S´IL FERME SA PORTE A LA LUMIÈRE PAR CRAINTE DES VOLEURS ET DU FEU.
  • « Le seul moyen comprends-le bien, c´est de  laisser monter à la surface tes impressions, tes envies, tes poussées impulsives ; de les observer sans mensonge, de savoir jouer avec elles par contraste pour éveiller la conscience de la tendance cosmique qui en est le mobile.

L´homme resta songeur.

  • N´est-ce pas jouer avec le feu ?....
  • Le feu qui couve sous la cendre est-il un moindre danger ? N´es-tu donc plus le jouet de ces obsessions ?
  • Non, si ce n´est en rêve.
  • Tes rêves sont le miroir de ta vérité. Quand par le sommeil, tu t´évades de ta geôle cérébrale, tes instincts se révèlent dans leurs impulsions vraies et témoignent que ce que tu croyais éteint était seulement freiné.

Le chercheur eu un geste de colère :

  • J´ai vu, en parcourant le monde, si peu de Bien et tant de Mal, que j´ai condamné tout « péché » qui diminuait ma dignité !

L´ermite sourit :

  • Ce que tu juges te jugera, et tu seras condamné par ce que tu condamnes.
  • Je ne comprends pas
  • Est péché, pour soi même, ce que l´on juge être « péché ». Ainsi tu détermines ta propre loi sans le savoir, à tes risques et périls.
  • Mais, c´est le triomphe de l´amoralité ! Mieux vaut donc ne  jamais vouloir reconnaître le Mal.
  • Tu ne dis pas bien : le  but est d´arriver à connaître le Principe essentiel du Mal et du Bien, puis d´en  comprendre la relativité quant à l´expérience de chaque individu.
  • Quelle est donc la Loi ?
  • Connais-toi, éprouve-toi, en tes plus profonds instincts. Comme le dompteur éprouve le fauve jusqu´à ce qu´il ait épuisé toutes ses ruses, sache dévisager tes plus secrets réflexes, et puis fais ce que  ta conscience nouvelle te permettra de faire.
  • N´est ce pas une loi trop souple, et arbitraire ?
  • Plus rigide que tu ne peux l´imaginer ; la vision du danger est le meilleur des guides.
  •  Et si je tombe en chemin ?
  • Je  ne t´ai pas conseiller d´exécuter, mais de déceler et reconnaître tous tes instincts.

« Que peux-tu craindre de plus qu´aujourd´hui ?....Ton âme actuelle est un  jungle dont tu ignores encore beaucoup d´aspects. Il faut en éclairer tous les coins d´ombre, en dénicher tous les reptiles et les fauves, tout ce monde hétérogène que tu englobes encore sous le petit mot « Moi ». Apprends à les nommer selon leurs appétits ; apprends à déceler les ruses de chacun ; quelques-uns te son étrangers, d´autres font partie de ton « royaume » ; lorsqu´ils seront dociles sous tes ordres, tu sauras ce qui est ton véritable Moi.
« Alors, tu reviendras ici.
« Lorsque les blés seront mûrs et les premiers raisins dorés, si je te trouve « disposé », j´essaierai d´élargir ton horizon !

DEUXIÈME VISITE À LA CAVERNA

L´homme revint à la caverne.
Mais le temps avait transformé le paysage, les blés coupés laissaient une terre hargneuse ; des fourrés épineux dissimulaient la roche ; et toute trace de sentier s´effaçait sous les feuilles jaunies.
L´homme désappointé, ne trouvait pas l´entrée. Ayant  cherché en vain quelques points de repère, il releva des plans, établit des calculs….sans résultat.
Près d´abandonner la recherche, il voit, s´accrochant aux buissons, les pampres rouges d´une vigne supportant quelques grappes mûres.
Il s´approche, et son  avidité lui fait faire un faux pas ; il trébuche, son pied s´enfonce dans le vide… et l´homme se retrouve roulé en boule et aveuglé, au pied de l´escalier descendu par mégarde !
Un rire guttural réveille sa conscience.

  • Où cherchais tu l´entrée, homme prudent ? dans les étoiles ?
  • D´où vient la voix ?... le visiteur penaud fouille des yeux la chambre vide. D´en haut s´infiltrant par une doble fente, deux faisceaux lumineux viennent couvrir la muraille de reflets chatoyants. Des ombres s´y projettent, donnant l ´illusion de  formes animées, de scènes fantastiques.  Et l´homme fasciné contemple les jeux merveilleux de la lumière, la combinaison des couleurs, la métamorphose incessante des ombres…. Il regarde, oubliant la voix et la caverne.

Mais voici que d´autres ouvertures émettent des sonorités inexplicables…. Quel  étrange concert où les voix et les bruits de tout ce qui se meut semblent s´entremêler sans se confondre ! Il s´ étonne de distinguer les paroles et les chants familiers, tous les cris d´animaux, la voix du vent, du ruisseau et du tonnerre, le grondement de l´avalanche, et le moindre bruissement d´ailes, qui l´envoûtent comme une obligation de s´absorber en chacun d´eux.
Alors  des vagues de parfums viennent dévier son attention ; il cherche et découvre deux autres failles. L´implacable curiosité l´oblige à détailler la caractéristique de toutes les odeurs, de toutes les saveurs analysant et comparant, oubliant jusqu´à l´existence de son but et de son voyage.
-Que fais-tu ?
La voix souterraine l´émeut comme un reproche et l´arrache enfin à l´emprise.

  • J´écoute, je regarde…je me suis délecté aux fantasmagories de cette salle, qui ont surpris mes sens….et le temps a passé. Je te cherchais, je ne t´ai point trouvé !
  • Tu ne peux me trouver là où je ne suis pas. Que veux-tu ?
  • Prendre conseille de ta sagesse. Mais la nuit est venue ; saurai-je encore te rejoindre ?
  • Tu connais l´antique parole : « Visite l´intérieur de la Terre ». Je demeure dans la caverne. Toi où es-tu ?
  • Je croyais être dans la caverne.
  • Illusionniste !Tu ne connais pas le chemin de la Profondeur ; pour me trouver il faut descendre. Es-tu certain de me chercher ?
  • Je le veux, de toute ma volonté.
  • Ton vouloir est une violence, il est inefficace pour m´approcher ; mais le désir qui brûle ta poitrine saura le geste nécessaire. Obéis, quoi qu´il te commande. Viens….si tu l´oses !

L´homme s´approcha du centre de la salle où semblait résonner la voix, et, de tout son désir, il « laissa  faire». Alors, le sol s´affaissa en son centre, et l´homme se trouva sans comprendre, en la caverne obscure aux pieds du Maître.
L´ermite souriait !- tu as pu l´arracher à l´emprise des sens ?
L´homme hocha la tête :- C´est ta voix qui m´en a délivré !

  • Elle n´aurait pu le faire si ton désir n´avait déjà pris forme ; elle a seulement hâté ton choix.
  • Est-ce mon choix ?....En ma première visite tu as éclairé mon chemin ; aujourd´hui de nouveau, tout me paraît confus.
  • Si tu veux  atteindre ton but il faut, ainsi que le navigateur, « faire le point » pour vérifier tes directives. J´ai posé trois questions à ton inconscience ; si tu sais y répondre sans te leurrer elles seront ta boussole :
  • Que fais-tu ? Que veux-tu ? Où es-tu ?
  • Ce que je fais ? j´ai cherché, en suivant le chemin que tu m´avais tracé.
  • Mais ce chemin était la connaissance de toi-même….
  • ……et qui devait me donner la connaissance du Monde…. Hélas ! je connais maintenant mes faiblesses et ma vraie nature, mais si je veux les maîtriser je me heurte à une limite que je ne puis dépasser.
  • Tu conçois la maîtrise comme une négation, une violence qui supprime ; la Sagesse déjoue les ruses de l´ennemi en se servant de ses propres faiblesses ; c´est le jeu des bêtes de la jungle, c´est celui de l´arbuste qui contourne la roche ombrageuse et se redresse pour chercher la lumière.
  • C´est un jeu puéril, et trop absorbant pour celui qui veut découvrir l´Univers !
  • Où  as-tu cherché pareille Connaissance ?
  • Je ne l´ai trouvée en moi-même ; alors j´ai écouté ceux qui conseillent ; « Oublie ton corps, apprends à sortir de toi-même »
  • Fort bien, qu´en as-tu fait ?
  • J´ai cherché à monter au-dessus de moi-même, j´ai élevé mon esprit aux plus hautes spéculations, j´ai scruté toutes les hypothèses de la philosophie et de la science.
  • Et, qu´as-tu découvert ?
  • Aucune  certitude ; tout est demeuré hypothèse !
  • Qu´espérais-tu trouver ?
  • Les Lois du Monde.
  • Crois tu qu´elles soient en rapport avec des notions cérébrales ?
  • A quoi pourrais je m´adresser ?
  • A la seule conscience vital. Qu´as-tu fait des méditations ?
  • Ceci est bon pour un ermite ! les préoccupations quotidiennes n´en laissent pas la liberté.
  • Alors renonce à ta recherche.
  • Je ne puis ! Je suis hanté par la soif de savoir.
  • Tu seras altéré toute ta vie, car la science n´a point la clé d el´Univers, ni de la Vie !
  • Où  faut-il chercher la réponse ?
  • En toi-même, exclusivement.
  • J´ai essayé, j´ai échoué
  • Tu as négligé les moyens
  • Il faut donc revenir en arrière ?
  • Le chemin est rapide dès qu´on  s´est assuré que tout le reste est vain. Si tu te connais en  vérité tu sauras que tu ne peux  faire aucun geste, assimiler aucune nourriture sans exprimer une fonction principielle. Mais ceci est trop simple  pour toi ! Ta vanité veux trouver la sagesse dans un monde idéal ; ton cerveau prétend inventer !

« Tu regardes comme une gêne toute contingence terrestre…Insensé qui cherche dans les nuages la pépite d´or qu´il foule aux pieds !
« Sache donc que le sentier direct a pour point de départ ton devoir quotidien ; les travaux pour lesquels tu as quelque aptitude sont le terrain propice à tes premiers essais. Il est vain de chercher ailleurs ce que tu n´as pas su acquérir en la révélation de leur « geste essentiel » ; tandis que cette acquisition découvre un point de vue sur un autre horizon.

  • E n´ai pas rencontré d´initiés chez les plus fameux artisans.
  • Parce qu´ils ignorent la porte dont ils possèdent une clé. Il n´est pas difficile de faire adorer Dieu dans la gloire d´un Paradis ; mais il est surhumain d´éveiller le sens du Sacré jusqu´à le révérer dans ses incarnations les plus abjectes. Ceci est cependant le fruit de la connaissance de la matière !
  • Le chimiste, le chirurgien, auraient alors dû l´acquerir ?
  • Certes non, car ils dissèquent…le secret de la vie échappe à leur scalpel, et l´analyse enlève aux éléments vitaux qui en sont le mobile.
  • Cela je l´ai compris. Qui m´empêche de cueillir le fruit de cette conscience ?
  • La complexité de ta vie. Je ne parle pas des obligations véritables encore qu´il ne tienne qu´à toi de les réduire à l´inévitable ; mais je dis qu´il n´y a point de clarté dans ton programme, parce que le but n´est pas évident à tes yeux.

« Or, une seule chose est nécessaire ; la formation de  ton être immortel, que nulle société ; nul prêtre, nul ami, ne peut faire pour toi.
« Personne ne peut te défendre de cherche cette chose par-dessus toute loi, avant d´autres devoirs !
« Le moyen est l´abolition des obstacles, et  l´animation de ton corps ;  ensuite, l´accroissement du Feu sacré.

  • Ne me ramènes-tu pas dans la vague idéalisme que tu condamnes ?
  • Non point ; je parte de  ton corps, en lequel seulement tu peux trouver le noyau du Règne divin.
  • Le succès est-il assuré ?
  • Il est certain pour l´homme dont il devient le but unique. C´est pourquoi je déplore la complexité de ta vie.
  • Ce but unique est égoïste !
  • Non, c´est un sur-égoïsme. Pour donner la Lumière il faut être soi-même lumineux.
  • Mais les contingences de la vie…
  • …..ne sont pas des obstacles pour celui qui s´en sert comme exercices de maîtrise. C´est la particularité de notre Temps que la Recherche ne se fait point en ermitage ;  l´élite humaine appelée au « Règne supérieur » doit épuiser l´expérience totale de son humanité, qu´elle doit surmonter par le sens altruiste et non par la violence.

« Or, ce sens altruiste, n´est point un rêve idéal ni le fruit d´une petite charité ; il naît naturellement de la conscience de la solidarité humaine, mais aussi du sentiment de puissance que donne la certitude du chemin. Car la haine, l´envie, l´imbécile égoïsme des réflexes d´impuissance de la Personne humaine en proie à des aspirations contradictoires.
« Le but est-il assez précis ?

  • Il le devient. Mon erreur fut donc de céder à mon ambition de savoir ?
  • Sans doute, ainsi qu´à l´emprise des sens. Mais le fait était inévitable, dès lors qu´en cherchant à sortir de toi-même tu en abandonnes la maîtrise ! Qui veut faire l´ange fait la bête…Nous reviendrons sur ce sujet.
  • « Etudies la deuxième question :

Que veux-tu ?

  • Je veux ce que je ne suis pas, je fais ce que je ne veux pas !
  • Tu  cherches l´impossible, alors que le Divin est à portée de ta main ! Sois plus précis. :

« Que veux-tu ? »

  •  Je veux la fin de mes luttes, la paix, la Joie, la Vie.
  • Ceci est le fruit, non le moyen ; précise davantage :
  • Que veux-tu ?
  • Je veux la solution du problème de l´existence ; le pouvoir de sortir du médiocre, de la « masse », de dominer mes forces inférieurs et d´acquérir les sens et forces supérieures.
  • Enfin ! tu commences à clarifier ton but avec plus de franchise. Ton ambition est légitime : l´Humanité  est parvenue au point où le noyau est mûr pour s´ouvrir et donner son germe. Heureux ceux qui font  partie du noyau ; ils seront ces « élus », membres du nouveau germe, dont toute religion a parlé. C´est un devoir d´y prétendre, pour tout homme qui s´y sent appelé.

« Mais sache bien ceci : cette prétention, selon la parole Christique  te situe hors du Monde, avec les stigmas de l´isolé, car l´esprit du noyau est incompatible avec celui de la masse et la masse ne supporterait pas ses exigences.
L´homme écoute, anxieux :

  • Cette séparation ne peut être brutale ; elle doit s´accomplir d´elle-même, peu à peu !
  • Tu te trompes ; pratiquement, tu peux demeurer dans le Monde ; mais quant à sa mentalité, avant d´avoir rompu avec elle sans espoir de retour tu n´atteindras jamais ce que tu cherches.

« Il y a opposition formelle entre le sentier de Lumière et la route du Monde, entre les moyens de la science et le chemin de la connaissance, en quelques résultats ils semblent  parfois se rejoindre, mais leur buts sont diamétralement opposés ; celui-là veut le fruit sur Terre, celui-ci veut le fruit éternel ; ceci seul légitime ton ambition.
« Mais ne crois pas au compromis possible entre les deux chemins ! Tes luttes et tes échecs viennent de cette erreur. Aucun pont ; il faut sauter à pieds joints et délibérément sans retourner la tête vers les méthodes du passé.
« Alors la masse t´invectivera, le « grand nombre » t´accusera d´utopie, de vanité paradoxale.

  • Ceci m´importe peu ; leur désarroi accuse leurs méthodes, leurs échecs et les miens les condamnent. Mais  je redoute mes propres défaillances ; chacun de mes succès fut suivi d´une chute.
  • Etudions d´abord la troisième question : Où es-tu ?
  • Je ne sais ! combien ai-je effectué de départs enthousiastes ?...Il me semble tourner en rond et me retrouver au même point.
  • Le vieillard eut un rire railleur :- Crois-tu donc être le seul ? Toute vie tourne en cercle et revient sur elle-même, mais ce n´est jamais au même point. Ignores-tu la loi spiralique de la Nature ? de l´Univers ? chaque passage à un point analogue ramène des difficultés parallèles, mais avec la nuance d´un nouveau Temps et l´expérience du précédent. N´as-tu pas observé le tronc d´arbre et les images des nébuleuses ?
  • Je n´ai pas établi le rapport.
  • Certes, tu négliges l´essentiel et te perds en spéculations vaines, ignorantes des Causes ; ta curiosité est avide de toute notion cérébrale, tu te laisses effleurer par leur aspect superficiel, sans qu´ils éveillent en ta conscience le sens profond de leurs correspondances vitales.

« Or, chaque fibre de ton corps, chaque cellule, chaque organe, est un signature de ces correspondances ; chaque fonction de ton organisme est la correspondance d´une fonction cosmique. Chacune est consciente d´elle-même ; toi, qui les totalises, tu les ignores !
Cependant ton cerveau prétend schématiser la physiologie de ce qui vit sur Terre, par l´analyse et l´assemblage des notions sensoriellement perçues¸ mais la science est forcé de corriger sans cesse l´erreur de ces notions ; ton mental s´enrichit de nouvelles affirmations…aussi hypothétiques que les anciennes.
« …Et la mort dissipe en fumée ce savoir, qui ne se fait que de soustractions, et qui ne connaît la Nature que par destruction.

  •  La mort dissipe-t-elle aussi toute autre connaissance ?
  • Distingue d´abord savoir et connaissance ; savoir c´est  comprendre ; Connaissance est expérience inscrite dans l´aspect permanent de l´être qui fera ton immortalité.
  • Cette Connaissance  ne peut pas exister sans la formulation des pensées !
  • Si tu avais pratiqué les méditations conseillées, tu saurais qu´elle existe en dehors de toute expression cérébrale ; tu connaîtrais cette évidence qui n´a point besoin de logique, cette identification muette d´une loi dont l´analogue donne chez l´animal la connaissance de l´herbe vénéneuse et la prescience de l´avalanche.

« Ceci étant acquis, la pensée disciplinée peut le transmettre dans la limite où la Conscience qui écoute peut vibrer harmoniquement, parce que la pensée exprimée est limitée , arrêtée, comme le choc du marteau sur la corde qui, elle, vibrera et appellera l´écho jusqu´à l´infini.

  • Le monde dans lequel je vis est construit sur la pensée.
  • Ce monde auquel tu crois est le filet qui t´emprisonne ; cette pensée en tisse le réseau ; sans cesse elle dresse les pièges de tes désirs artificiels, de tes craintes imaginaires, de tes douleurs inutiles ; elle enlace ton sens réel dans ses arguments astucieux ; elle brouille le fil du Destin pour susciter ta résistance, et te laisse devant l´inextricable désespéré. »

L´homme, le front dans les mains, réfléchissait….
Quand il releva la tête, une certitude éclairait son regard ;
« Maître, j´ai enfin compris son jeu : c´est elle qui m´a persuadé d´abandonner tes moyens comme perte de temps inutile.
Quelles sont les meilleurs armes pour la combattre ?

  • Premièrement, rechercher passionnément le succès des méditations conseillées.

Deuxièmement jeter en holocauste le jugement cérébral, l´adhésion aux valeurs relatives et au monde des apparences pour trouver en échange :
La conscience vitale, et le sens des valeurs absolues.
Pour exemple ; que tout ce qui t´arrive, tout ce que tu éprouves par les sens soit pour toi comme une musique qui n´a ni pensée,  ni aucune formulation cérébrale ; qui éveille en toi un état que tu peux appeler, pour commencer « émotif », et qui te laisse  quiet ou inquiet. Ecoute cette quiétude ou cette inquiétude.
C´est tout. Laisse toute analyse, toute spéculation, et sois !
Troisièmement, chercher en tout le point central, le mobile, le cœur de la chose.

  • Ce programme est contraire au rythme routinier ; qui me donnera la force nécessaire ?
  • Le Feu éveillé par les méditations. »

LE PUITS

L´homme dit à l´ermite :
« Tes paroles semblent essentielles, mais qui m´en révélera le sens ? L´homme est trop lourd pour atteindre les sommets ! Son poids le ramène toujours à la terre.

  • Tu dis mal : l´homme est trop léger ; son cerveau le tire à lui sans cesse, le fait flotter dans un état nébuleux où tout est illusoire, irréel quant à l´esprit irréel quant à la matière.
  • Je le reconnais ; je « perds pied » devant la vision réelle lorsque parfois elle se produit, et je n´en puis rien retenir.
  • Et combien tu redoutes de perdre ce contact avec l´apparence ! « Perdre pied » dans le vide…. Quel effroi pour l´homme-animal ! Quelle joie pour l´homme conscient !
  • Ne m´as-tu pas reproché de flotter dans l´état nébuleux ?
  • Certes, dans l´état nébuleux des aspirations idéales, et des spéculations mentales ; mais je te souhaite au contraire de descendre, pour connaître le cœur des choses. C´est l´intérieur de la Terre,  de ta propre Terre, qu´il te faut visiter ; sans quoi mon enseignement sera superficiel.
  • Tu es mon Maître ; conduis-moi !

L´ermite le guida vers le fond de la grotte, au bord d´un puits profond.
« D´abord, tu dois t´efforcer de visiter le gouffre en sa plus profonde profondeur ; sache descendre jusqu´à ses fondements où sommeille le Feu sacré. Si tu parviens à l´éveiller ,tu connaîtras ton but, et ta puissance.
Maintenant, concentre ton désir, rentre en toi-même, et  descends !

  • Mais je ne vois pas d´échelons…
  • Il n´y a pas d´échelle ; la corde suffit ; tout ce que je puis faire, c´est de te la montrer. Regarde !

Alors l´homme perçut la corde, plusieurs fois enroulée autour de lui, qui semblait soudée à son nombril.
Il leva les yeux pour chercher son point de départ ; elle se perdait dans la nuit ; mais l´ermite la tenait fixée au bord du puits.
« Maître, jusqu´où dois-je descendre ?

  • Jusqu´à ce que tu te trouves dans la solitude absolue.
  • Comment pourrait-il en être autrement ?
  • Souviens-toi de mes paroles, je dis SEUL, SEUL ABSOLUMENT. Ensuite si tu le peux cherches le plus profond.  Mais reste vigilante ; ne perds jamais conscience de la corde !

 L´homme saisit la corde à pleines mains ; après une longue hésitation il se laisse glisser dans le puits.
Brusquement la chute s´arrête après un chemin qui lui paraît sans fin ; mais en levant les yeux il constate qu´il n´est tombé que de sa propre hauteur….
« Maître, que dois-je faire ? »
Point de réponse….et le poids  de son corps rend la réflexion difficile ; il souhaite tomber davantage pour trouver un appui !
Et son désir le fait descendre.
Il se heurte sans cesse aux parois en des soubresauts douloureux. Il s´efforce de comprendre le geste nécessaire ; sa crainte, qu´il écoute, le fait remonter vers la surface….
Il s´ interroge, et ses pensées répondent ; alors, il s´aperçoit du dialogue :
« Ce n´est pas la vraie solitude ! »
De nouveau son désir l´entraîne en profondeur…. Mais il cherche un appui sur le roc, et sa pensée redevient harcelante. Alors il se rend compte de sa tyrannie, et délibérément il sa repousse.
Longtemps il se débat contre son insistance ; il refuse chaque nouvelle image ; elle s´insinue sous d´autres formes, s´impose comme une intrigante importune… il est las de cette lutte vaine.
« Est-il possible d´arracher ce qui fait partie de soi-même ?
Et soudain  il se voit,  tiré en profondeur par son désir, et retenu par la hantise des Idées ; il ressent cette lutte comme la cause de ses troubles….et sa surprise est inouïe, car la pensée lui apparaît en dehors de lui-même ! Ce qui en lui la considère est donc indépendant, et n´a pas besoin d´elle ?.... Il ne formule pas ; il éprouve ; mais ceci est une évidence, une certitude sans nom, qui le baigne dans une paix insoupçonnée. Il se sent averti de ne pas la troubler par quelque impatience…Et tandis qu´intérieurement il cherche la racine de cet autre « sens », il s´enfonce insensiblement dans le Silence.
Peut-être eût-il cédé à une torpeur somnolente, mais la voix intérieure le ranime :
« Ne perds jamais la conscience de la corde !... »
Alors ses pieds touchent le sol ; il se voit (est-ce en lui-même o en dehors ? peu importe !) il est dans un antre profond, comme une sphère creuse dont les parois se dérobent à mesure qu´il veut les toucher.
Le ciel de cette sphère, qui était ce sur quoi il avait au premier stade posé les pieds, ce ciel paraissait maintenant translucide, éclairé d´une lumière diffuse…
Et le « chercheur » s´émerveilla, car un monde nouveau se révélait, ni au-dedans de lui, ni au dehors, mais sans séparation aucune de l´un à l´autre.
Alors le Feu des profondeurs se réveilla ; une chaleur intense envahit tout son corps, montant comme un flot de vie surabondante ; et la Joie le remplit, car tous les doutes s´effaçaient, les obstacles s´aplanissaient, il entrevoyait son trésor ; source de Vie, but et  moyen par sa Puissance, le Feu Vivant, l´UNIQUE CHOSE NECESSAIRE.

 

"L´ouverture du chemin" Isha Schwaller de Lubicz

LA VOIE REDEMPTRICE

Nous avons vu dans quelle prison de chair l´esprit humain se trouve empêché, et quels obstacles les choses extérieures conjurées,- c´est à dire le Démiurge- opposent à son évolution bénéfique. Nous savons déjà que le Rayon Céleste, tel que nous l´avons défini au commencement de ces études, est à la fois la cause seconde et moyen immédiat de cette évolution. Enfin, nous concevons que la volonté de l´homme est le moteur indispensable à l´individu pour générer, sur le plan où nous sommes, et pour accélérer cette marche ascensionnelle.
Il apparaît donc que la volonté humaine, élément libre de s´employer ou de se refuser à la tâche qui lui est présentée par la raison, influe d´une façon souveraine sur l´évolution. Si donc un homme, doué comme tous les autres de volonté, d´intelligence et de puissance personnelles, néglige de pousser sa volonté et d´en extraire les actes qu´il convient, on pourrait penser que l´évolution s´arrête et s´annihile, et que l´être humain demeure dans une inertie apathique et décisive, dans laquelle il lui est loisible de s´immobiliser définitivement, au grand détriment de ses destins normaux.
Cette considération n´est exacte qu´autant qu´elle ne sort point du plan où elle fut conçue, c´est à dire du plan humain. L´homme, en tant qu´homme, ne saurait disposer de mieux et de plus que son destin hominal, dont il est libre d´arrêter, en effet, la marche individuelle. Mais cet être contingent, doué de vertus et de possibilités contingentes, ne saurait se mouvoir, ou s´arrêter ou s´influencer soi-même en dehors du plan contingent spécial où, pour  l´heure, il est placé et exerce ses facultés. Il est déraisonnable de supposer qu´il puisse modifier, a fortiori arrêter la marche éternelle du cycle universel.
Ce cycle universel, dont l´humanité ne constitue qu´une phase, a un mouvement propre, indépendant de notre humanité, de toutes les humanités, de tous les plans, dont il forme la Somme indéfinie. Ce mouvement propre, qu´il tient de l´affinité essentielle du Rayon Céleste vers son origine, l´aiguille invinciblement vers sa Fin, qui est identique à son Commencement, avec une force directrice ascensionnelle et divinement bienfaisante. C´est ce que la Gnose connaît sous le nom de  Voie Rédemptrice.

En Gnose, la Voie Rédemptrice se manifeste dans un symbolisme tout à fait complet, et dont toutes les parties sont à retenir. Ce symbolisme forme un triptyque qui sert d´emblème parfait au troisième degré de l ínitiation gnostique, degré d´association, où le candidat reçoit le premier baptême. Ce triptyque représente à gauche un navire isolé sur la mer, et du haut du navire, un homme s´élançant dans les flots ; au centre, un dauphin, surgissant à point nommé des eaux pour prendre l´homme sur son dos ; à droite, l´homme sauvé des risques de l´Océan, abordant au rivage et se reposant sous une tonnelle où s´entrelacent le lierre et la vigne.
Sur l´Océan sentimental, qui est véritablement le centre de ce haut symbolisme, la navire représente le monde moral humaine, la particularisation psychique et psychologique des individus. La carène, les mâts, tout la matière de ce navire aveugle, sans gouvernail et sans machines sont faits des instincts passionnels, des conventions morales, des acquêts traditionnels, des qualités personnelles qui constituent le fonds héréditaire de l´humanité. C´est là la gangue physique, ce sont les impédimentas sensuels dont le Démiurge a recouvert et alourdi l´esprit humain. Ce navire perdu dans l´immensité figure l´isolement de l´être humain, lorsqu´il s´individualise, au milieu de l´esprit universel, qui doit être cependant son normal soutien.
De ce navire, qui ne se dirige point lui-même, dont les œuvres sont mortes, et qui vogue au gré des vents hasardeux et des courants de la mer qui bat et use ses flancs, un homme se précipite dans les flots, qu´aucun rivage ne semble terminer, et sur lesquels n´apparaît aucun auxiliaire sauveur. Retenons cet instinctif mouvement, inexplicable, par quoi l ´homme semble se vouer à la perdition- et qui le sauve- et qui, seul, pouvait le sauver. C´est la ψυχη plongeant dans l´océan sentimental.
Aussitôt après la plongée, le dauphin mythique et légendaire offre au plongeur le tutélaire abri de son dos et le symbolique véhicule de ses puissantes nageoires. Sphinx de l´océan sentimental, il conduit la ψυχη, qui s´est confiée à lui jusqu´à exposer sa vie individuelle, vers la terre nouvelle. C´est là le secours céleste dont il convient de déterminer l´essence et la cause, et d´apprécier l´action.

 

Sur cette terre nouvelle, l´homme aborde et se repose sous la tonnelle où le lierre et la vigne marient leur feuillage symbolique. Le régime Noétique de la vigne promet à l´homme régénéré la prospérité spirituelle ; le lierre lui promet l´immortalité et la connaissance intégrale qu´acquérait l´adepte de l´antiquité en sortant du Labyrinthe, que la Tour de lierre terminait et couronnait.
Eclairons maintenant le symbolisme en expliquant les gestes des acteurs de ce drame occulte.
C´est l´individu, dans toutes les conditions et avec toutes les imperfections restrictives  de l´ individualisme que représente le navire errant isolé sur l´Océan sans bornes visibles. L´individu a forgé, autour de soi-même, cette sorte de radeau qui le porte, et qui, en le portant, l´isole ; car c´est le propre de l´œuvre démiurgique de présenter sous un vernis d´utilité et de nécessité les pires inventions de la contingence. Certainement, les impédimentas matériels dont l´homme est ainsi entouré sont des obstacles que sa raison conçoit déplorables pour son évolution ; mais, par un mirage des plus dangereux, ces impédimentas constituent, par leur assemblage, le navire sans lequel la sentimentalité personnelle sent qu´elle sombrerait dans l´océan et s´y perdrait. Et c´est là l´explication de l´ardent entêtement avec lequel l´homme s´attache instinctivement aux contingences péjoratives de l´individu, qu´il prend pour des sauvegardes.
Sur le pont du navire, l´esprit humain, la ψυχη , va de long en large, inquiète de l Océan qui l´entoure et l´étreint, mais sentant aussi, et profondément, qu´elle se déracine, se décapite et se suicide à demeurer sur le navire qui l´isole et qui, tout en la préservant de la chute immédiate, est incapable, sans direction et sans gouvernail, de la conduire au port souhaité. Bien plus, ce navire ne peut que retarder le mauvais destin, car, secoué par les flots, dévoré peu à peu par l´assaut des lames, il s´en ira pièce par pièce et sombrera au jour dit, emportant dans son désastre, sans profit et sans gloire, son pitoyable passager.
Après ce naufrage, que les destins infligent à l´âme contre sa volonté, naufrage qui représente la mort physique, impatiemment supportée, et par conséquent subie sans mérite, cette ψυχη , qui n´a pas su se dégager à temps des liens charnels, et qui y a pris un attachement anormal, court aux débris informes et épars du navire qui jadis la porta, et s´y accroche désespérément, tout en reconnaissant l´inutilité de cet effort. El ainsi, au lieu de se coordonner aux lois évolutives, elle demeure aux « coques » brisées de sa précédente existence et se présente de la façon la plus médiocre à ses inévitables destins.
Cette pitoyable aventure de la « Course à l´Abîme » autour d´impuissants débris, la ψυχη, en renonçant délibérément aux avantages factices et aux inconvénient réels de l´individualisme. Mais quelle raison supérieure va pousser l´âme humaine à mépriser ainsi, pour un avenir plus ou moins hasardeux et lointain, ses intérêts apparents les plus immédiats ?
C´est ici que nous retrouvons, mais inversée, l´œuvre du Démiurge, et sa propre punition incluse en germe dans les conséquences de son action maléficiante.
La  ψυχη, entourée des artifices démiurgiques, s´éprend à la contemplation des choses extérieures, des charmes de la nature ; et, sur ce motif inférieur, l´élément contemplatif prend possession d´elle. De la contemplation immédiate des contingences, la ψυχη  remonte à la contemplation et à la recherche des causes médiates, secondes et premières. Or, si la contemplation de la nature n´émeut que sa sensibilité la plus basse, sans la moindre élévation d´idée, les contemplations qui suivent soulèvent des points d´interrogation de plus en plus nombreux à mesure que la contemplation n´approfondit et s´avance, et tous insolubles. Avec toute l´appétence de son état, la ψυχη tend vers la clarté ; il lui faut la résolution des problèmes ; il la lui faut, inévitablement, expressément, et, dans cette ardeur incoercible de la lumière, elle se précipite dans l´Océan inconnu dont elle ne sait rien, sinon qu´il la lui donnera.
De même, le Démiurge présente à la ψυχη le miroir où elle se reflète, et où, suivant le mythe symbolique de Narcisse, elle adore sa propre image, sous l´impulsion d´un égoïsme paroxysmal. Mais de ce mal sort un bien. Cet égoïsme se transmue en amoureuse appétence de soi-même et aussi de son semblable, ce qui est le premier et le plus bas échelon de l´amour. Cet amour, d´abord unique et sexuel, même, se change en amour de l´humanité, qui est l´altruisme (le Christ a dit : « Aimez-vous les uns les autres »), et enfin en amour universel, qui est correspondant à la stase bouddhique (Boudha a dit : « Que tous les êtres soient heureux »). Parvenue à ce degré suprême, la ψυχη est saisie de l´unique et triomphant désir de communier à l´Universel, et elle tâche à y parvenir en employant le seul moyen qui lui soit présentement offert, c´est à dire en opérant volontairement la plongée psychique dans l´océan sentimental, symbole excellent, quoique encore tangible, de l´Infini à quoi tout est destiné.
Qu´est-ce donc que cet océan qui est le centre de tout le symbolisme, et qui figure à la fois le moyen de destruction du navire individuel et le moyen d´évolution de la ψυχη?
Toute le vibration matérielle, tout l´ensemble des mouvements physiques et des sensations qu´ils éveillent, constituent l´océan sensuel où bouillonne l´instinct démiurgique. Toute la vibration spirituelle, tout l´ensemble des idées premières et des pensées qu´elles causent constituent l´océan conceptuel où luit le Verbe divin. C´est  le plus bas degré, ou l´acte, et le plus haut degré, ou l´essence de l´Amour.
Tout ce qui existe entre ces deux océans constitue l´océan sentimental, c´est à dire la mer des perceptions et des sentiments avec tous les effets directs et réflexes, les conséquences immédiates et lointaines, c´est à dire le milieu naturel de l´âme et le plan de travail et d´ascèse de l´humanité collective.
La plongée de la ψυχη dans cet océan est nécessaire ; car, et seulement alors, elle se dépouille de son sentimentalisme particulier, elle abandonne volontairement et pour toujours son domaine individuel, et elle communie au sentiment universel, c´est à dire à cette totalité des perceptions hominales qu´elle doit connaître et expérimenter, pour être vraiment l´Ame humaine et se porter vers son évolution (1).
Par analogie, au moment de la plongée, le corps humain, qui ne tient donc plus à la  ψυχη que par  un lien très ténu, très vague, et très propre à être rompu au moment logique où il convient, le corps, à son tour penche vers l´océan sensuel, qui est au plan inférieur correspondant, et y subit toutes les sensations de la matière. C´est là la symbolique Descente aux Enfers, dont la remontée est si difficile, mais qui, lorsqu´elle est accomplie avec succès, est le commencement de l´ascèse bienfaisante par où l´on sort de la stase humaine.
Ainsi, dans cette plongée, la ψυχη trouve la connaissance et prend conscience de son ardeur. Echappée de sa  forme et entrée dans la forme totale, la voici prête à se sauveur elle-même, et, avec soi, tout l´Univers. Le sacrifice qu´elle fit de son destin égoïste la rend digne d´un destin plus général, la fait capable de résister à la tentation matérielle comme aux influences sentimentales, et appelle invisiblement le moyen de sa délivrance, c´est à dire le Sauver qui la tirera des flots qu´elle a bravés.
Dépersonnalisée par la plongée dans l´océan sentimental, la ψυχη  en sort éclatante et synthétique, comme sortit Aphrodite du sein des eaux. Cette « femme de mer », symbolisme complet de la ψυχη régénérée, est bien la Marie, image de la perfection féminine et aussi la Maia, synthèse de l ´illusion qu´est tout l´océan sentimental.

(1). Cet Océan sentimental est la mer symbolique, Mare, Marie, Maia, où se recueillent et se retrouvent les traditions hindoues, grecques, judaïques et chrétiennes.

Ce principe femelle, exacerbé, purifié par son propre effort, mérite le principe mâle, l´appelle et le nécessite. Le voici venir sous la forme du dauphin, sphinx de la mer, qui, causé par la vaillance et l´émoi de l´Aphrodite, lui prête sa puissance, et forme avec elle le principe double, conscient de soi, à qui la victoire est facile sur toutes les embûches.
Concordant avec la remontée de la mer sentimentale, l´ego spirituel descend vers la ψυχη régénérée, et, sous cette forme du dauphin, donne la volonté à son ardeur, la puissance à son désir, et la réalisation à son espoir.
L´un et l´autre se dirigent vers le rivage protecteur, y abordent et y trouvent la terre nouvelle et l ´image du nouveau ciel vers lequel ils se dirigeront désormais. Sous la tonnelle qu´ombragent le lierre et la vigne, c´est à dire vers la tour initiatique qui couronnait le labyrinthe, ils sont désormais libres et capables de préparer leur définitive évolution.
Dans cette tour, le dauphin et la ψυχη élaboreront leur union et vont la rendre parfaite. Dès lors, ils se mettront en marche vers le sanctuaire, dont ils ont les clefs, grâce à leur unification ; l´être unifié passera ainsi entre les colonne de la porte dont il sait les noms ; il ouvrira la porte du Temple, et il contemplera, sans la comprendre encore, la Vierge de Lumière, symbole éclatant et inexpliqué de la Divinité.
Il est attiré vers elle par le Rayon divin émané d´elle, et qui, s´individualisant pour lui, au temps où il n´était qu´un âme humaine, lui donna le secours du dauphin. Lien mystérieux et infrangible, ce  rayon divin, qui compose l´être et l´amène à la porte du Temple, demeure toujours et quand même partie intégrante de la Vierge de Lumière.
Ainsi, la Vierge de Lumière, qui est tout ce que nous savons présentement de la Divinité, s´irradie dans la spiritualité de tous les êtres, se prête à toutes les âmes, et c´est pourquoi elle est aussi, suivant la vigoureuse expression de l´Aréopagite, qui l´appliquait à Dieu même- la Grande Prostituée. Océan spirituel d´en haut, de tous ses effluves elle dégage les êtres de l ´Océan sentimental d´en bas. Elle fait précisément le rôle de la divinité dans toutes les âmes ; et cette prostitution sacrée est vraiment la manifestation féminine du Ciel (Dieu).
Mais, n´oublions point que cette manifestation n´existe qu´après la plongée de la ψυχη dans  l´océan sentimental, et que, par suite, s´il est vrai de dire que Dieu se manifeste fémininement aux plans de l´esprit, il est faux de dire que Dieu se manifeste dans ses œuvre.  Il n´y a point de manifestation d´en haut dans les choses de la nature ; il n´y a que l´œuvre  du Démiurge, œuvre maléfique, mais grâce au Ciel, œuvre finalement inutile et illusoire.

“Les enseignements secretes de la Gnose”   T SIMON  , T TEOFANO

LE SÉCRET DE LA FLEUR D´OR

Le livre long yen dit : « par le recueillement des pensées on peut s'envoler et naître dans le ciel (3) ». Le ciel n'est pas le grand ciel bleu, mais le lieu où l'état corporel est engendré dans la maison du créateur (4). Si l'on continue longtemps ainsi, il se forme tout naturellement, outre le corps, un nouveau corps, spirituel.
La fleur d'or est la pilule d'or (kin-tan). Toutes les transformations de la conscience spirituelle dépendent du cœur. Il y a ici une magie secrète qui, bien qu'elle soit rigoureusement réelle, est cependant si fluide qu'elle réclame une intelligence et une clarté extrêmes, un approfondissement et une tranquillité extrêmes. Des hommes dépourvus de cette intelligence et de cette compréhension suprêmes ne trouvent pas la manière de l'appliquer, des hommes dépourvus de cet approfondissement et de cette tranquillité suprêmes ne peuvent pas le retenir.
(1) voir yi king, le livre des transformations, trad. fr. 1968, p. 306 (librairie de médicis).
(2) « le ciel antérieur » (au monde) représente un ordre non-manifesté qui s'oppose au « ciel postérieur » ou « ordre intérieur au monde ». voir yi king, le livre des transformations, trad. cit. p. 305 et suiv.
( 3) suramgama-sutra.
(4) c'est-à-dire k'ien, le principe créateur, le ciel. cf. yi king, hexagramme n° 1, trad. cit. p. 19.
Cette section explique l'origine de la grande voie de l'univers. Le cœur céleste est le germe et la racine de la grande voie. Si l'on est capable de demeurer dans la tranquillité complète, le cœur céleste devient de lui-même visible. Lorsque la sensibilité se met en mouvement et s'extériorise en suivant un cours direct, l'homme naît en tant qu'être vivant originel. Ce vivant demeure, après la conception et avant la naissance, dans l'espace véritable. Lorsque la note unique de l'individualité fait son entrée dans la naissance, la nature humaine et la vie sont partagées en deux. À partir de là - tant que la tranquillité parfaite n'est pas atteinte - la nature et la vie ne se rejoignent plus.
C'est pourquoi il est dit dans le plan du grand pôle (1) : « le grand un inclut en lui-même la véritable énergie, la semence, l'esprit, l'âme supérieure (houen) et l'âme inférieure (po) ». Lorsque les pensées sont entièrement paisibles, de telle sorte que l'on voit le cœur céleste, l'intelligence spirituelle atteint spontanément l'origine première. Cette nature habite, certes, dans l'espace véritable, mais l'éclat de la lumière réside dans les deux yeux. C'est pourquoi le maître enseigne la révolution de la lumière en vue de l'obtention de la vraie nature. La vraie nature est l'esprit originel. L'esprit originel est la nature et la vie et si l'on accepte ce qu'il s'y trouve de réel, c'est là l'énergie première. et la grande voie n'est autre que cette chose.
Le maître se préoccupe encore d'éviter que les gens ne manquent la voie qui conduit de l'action consciente au non-agir inconscient. C'est pourquoi il est dit : la magie de la pilule d'or utilise l'action consciente pour atteindre le non-agir inconscient ». L'action consciente consiste en ce que l'on provoque la révolution de la lumière par réflexion pour faire apparaître le dégagement du ciel. Si alors la vraie semence naît et que l'on utilise la méthode correcte pour la fondre et la mélanger, et réaliser ainsi la pilule d'or, alors on franchit le défilé, l'embryon se forme, qui doit être développé par le travail d'échauffement, d'alimentation, par les bains et les ablutions. Cela passe dans le domaine du non-agir inconscient. Il faut une période de ce feu longue d'une année pleine pour que l'embryon naisse, dépouille ses enveloppes et passe du monde profane dans le monde sacré.
Cette méthode est toute simple et tout aisée. Mais elle comprend un grand nombre d'états qui changent et se transforment. C'est pourquoi il est dit : « ce n'est pas d'un seul bond que l'on peut y entrer brusquement. Celui qui recherche la vie éternelle doit rechercher le lieu où jaillissent à l'origine la nature et la vie ».

 

“Le sécret de la fleur d´or” C. G. JUNG

LA MAISON DE L´AMOUR

Tes patients sont assis dans l'attente du remède; 
sans "toi" ni "moi", ils ont abandonné à la fois le cœur et la religion. 
Tes amoureux, après avoir parcouru le chemin de la fidélité, 
sont maintenant assis à ton seuil le cœur pur. 
Dans la cour royale de Ta grâce, les mendiants sont assis au seuil 
le cœur content, les besoins satisfaits. 
Tes nécessiteux se savent supérieurs aux rois du monde, 
puisque dans Ton royaume ils s'asseyent sans provision ni possession. 
Les adorateurs de Ton vin forment un cercle autour de la cuve, 
prennent le gobelet et s'asseyent sans demander "pourquoi" ni "comment". 
Même pour un clou, Tes affligés n'achèteraient leur âme; 
comment donc pourraient-ils encore espérer être soulagés? 
Dans la maison de Dieu, les hommes de Dieu ne peuvent pas s'asseoir 

négligemment comme de faux prétendants. 
La solitude du rendan répand la lumière 
là où tous sont assis, tournés vers Dieu dans le souvenir de Dieu. 

Nurbakhsh

HYMNE À LA CRÉATION ÉTERNELLE

Extrait de « Le Miracle égyptien » R. Schwaller de Lubicz
Ecoute ce qui est dit :
au premier Temps  la Lumière de Dieu est invisible.
Le Soi et l´Autre se combattent en Dieu et le Soi et le Moi se disputent  la Lumière de Dieu. Mais déjà l´autre la prend et la cache dans sa cuisse (sexe) alors la Lumière est, et la Lumière est visible et paraît par les Ténèbres.
Le Moi qui est l´Autre, cachant la Lumière de Dieu dans sa cuisse, Seth,, le reflet de Dieu, it alors : Je serai l´éternelle négation et par Moi paraitra visible la Lumière de Dieu.
Ceci est la première nuit d´un jour et le premier Temps, où tout est confondu, en les Eaux.
Au deuxième Temps le combat continue entre le Soi et Seth.  Montant et descendant, créant ainsi le haut et le bas, le froid et le chaud ; enfin, le Moi s´enfuit avec la Lumière cachée dans les profondeurs des Eaux, repoussant vers le Haut le Soi ; et ceci distingue l´étendue, et les eaux du Ciel d´avec les eaux de la Terre, lesquelles gardent l´or et le sang mort et la tourbe de toute chose et le Moi.
Ceci est la nuit du second jour et le deuxième Temps.
Au troisième Temps le Soi se concentre vers la Lumière invisible et  Seth  se dessèche en terre et devient visible lui-même, et les eaux qui ont l ´air se distinguent de la terre qui a le feu. Et la semence est cachée en terre.
Ceci est la nuit du troisième jour et le troisième Temps.
Au quatrième Temps, les combattants se contemplent et rassemblent leurs forces et font appel à l´étendue. Le Soi lui demande le Temps passif et le Moi lui demande le Mouvement actif. C´est ainsi que la vraie lumière brille la nuit et la Lumière visible brille le jour et ils tracent dans le Monde une croix qui délimite leur domaine.
Ceci fait les directions, les jours et les nuits et les saisons et les temps sublunaires, où toutes les apparences sont trompeuses. C´est la ruse des combattants évoquée par  Seth qui s´érige en Dieu.  
C´est la nuit  du quatrième jour et le quatrième Temps.
Au cinquième Temps le Soi se remet à poursuivre le Moi, ils se joignent et se séparent et chaque fois, Seth s´affaiblit dans cette lutte.
Déjà sept et neuf fois ils se sont heurtés et les eaux et les airs se peuplent de vie et d´êtres vivants en grande abondance, comme les faibles profitent de l´épuisant lutte des forts,
C´est la nuit du cinquième jour et le Soi aperçoit la Victoire.
C´est  le cinquième Temps.
Au sixième Temps,
La terre tombe faible, et la semence en elle germe et produit toute la vie  végétale  et animale de la terre, ceux qui marchent et ceux qui rampent, toute vie participant du Soi et de l´Autre en puissance de se multiplier, suivant la semence de son espèce. Et chaque espèce est l´ombre de l´un des douze lieux du Monde et un nombre dont l´ensemble se ramasse en un être unique, image  du Tout et de l´Harmonie,
Ceci est l´homme fait du résidu assemblé de la terre à l´image du Tout révélé par le combat en Dieu du Soi et de l´Autre et l´homme continue à le porter en lui. Ainsi est-il passif et actif en UN, mâle et femelle, parce qu´il ne s´est pas encore regardé lui-même à l´imitation de Dieu.
Cet homme règne sur la terre et ce qu´elle contient, dans la Lumière reflétée de Dieu qui est son âme sur terre, en terre.
Il est à l´image de Tout et parfait en lui-même.
Ceci est la nuit du sixième jour et le sixième Temps.
Au Temps tout est accompli,
Seth, affaibli de la Lumière invisible que le Soi lui a reprise, ne brille plus que du reflet visible en l´or et la sang du monde ; et il a produit tout ce qu´il peut générer, et c´est le jour du repos du Dieu réfléchi.
Alors, commence le Temps de la vie sur terre, il est à l´image des Temps de la création ; et d´abord il monte une vapeur entre la nuit et le jour et elle arrose toute la terre et ce qu´elle contient, et ceci pendant quatre fois dix jours, et toute semence se gonfle et se dissout, et bientôt cette vapeur se repose et la nouvelle terre produira a germe de toutes choses.
Cette nouvelle terre a pour nom Heden et l´homme vivant est en elle, et la tentation, et la défense, et tout ce qui est double, et le feu et l´eau.
S´asseyant sur terre Il regarde son jardin et Il nomme toute chose de son nom, mais Il ne s´est pas encore regardé lui-même.
Alors ses sens s´obscurcissent entre le jour et la nuit et Il entre en contemplation de lui-même jusqu´au douzième jour.
Le treizième jour le Soleil luit et Il s´éveille, se regardant lui-même, et Il se voit en Elle, son autre Moi. Elle brille de la Lumière du Soi, mais Elle aussi participe du Soi et de l´Autre.
Il dit à Elle ; tu es comme mon autre Moi, et Elle répond : tu es comme l´autre de Moi, tu es mon ennemi, mais mon désir va vers Toi.
Ainsi se connaissent l´Homme et la Femme ; ils se joignent pour mourir tous les deux et combattent la mot par leur semence.
Ici se terminent les premiers Temps de l´homme de la Terre.
Alors commencent les Temps de leurs lignée et des hommes sages les ont écrits, et ont légué leur Sagesse et leur histoire aux hommes de la Terre.
Mais ce livre-ci est le premier écrit pour être légué à l´Homme infini.

Quand l´Homme se fut regardé et se vit en Elle, Il éprouva de la joie à se reconnaître et ce fut sa plus grande joie.
El l´Homme s´aima en Elle et Il dit : « Je suis ».
Depuis de ce temps toutes les contradictions sont en lui et toute chose se scinde en deux aspects qui lui apparaissent.
Et le Oui et le Non habitent son cœur et sa tête.
Quand il monte, il se voit tomber
Quand il grandit, il se voit humilié
Quand il donne il se voit appauvri
Quand in adore il pense à blasphémer
Quand il aime il voit la haine
Quand il possède il  se voit jaloux.
Quand il cherche le Beau, il mesure la laideur
Quand il trouve le Bien, il comprend le Mal
Quand il cherche Dieu, il découvre l´Homme
Quand il nait il prépare sa mort.

Il souffre en naissant, il se réjouit dans la Vie et la Mort est son effroi.
Mais il est dit à l´Homme : « Tu possèderas la terre » et il veut posséder la terre, et sa joie est de posséder et dominer.
Il est dit à la femme : »Tu seras possédée », mais la femme se révolte et sa joie est de séduire pour posséder.
L´homme dans son obéissance fait maître la jalousie et l´humiliation.
La femme dans sa désobéissance part de la jalousie et de son humilité.
El l´Homme, enfant de la femme, dit : « Je suis », et la femme en montrant son enfant, dit : « Je suis »
Ce sont les hommes auxquels appartient la Terre, et qui lui appartiennent, et ils seront aussi longtemps que cette Terre qui est leur monde.
Or il est dit qu´au milieu du jardin Heden, il y a un arbre dont les fruits rendraient immorteles les hommes qui en mangeraient, après s´être vus en Elle.
Cet arbre est semé le premier jour de la Création et il porte fruit en trois jours. Ce fruit ne mûrit qu´en Lumière invisible et il porte la Lumière divine qui est sa chair.
Quand vient le brouillard obscur qui humecte et dissout toute semence, alors le fruit de l´arbre central meurt comme toute semence, et quand le brouillard s´épaissit dans la vallée, naît une nouvelle terre, et de cette terre, un homme à l´image du Tout….mais la Terre résiduelle de l´autre n´est pas en lui.
Cet homme également s´annihile en la contemplation de lui-même et quand au jour du soleil son corps s´éveille, ses sens contemplent la beauté de son autre lui-même et il en est effrayé.
Il dit à Elle : « Va ton chemin car c´est en toi que je vais mourir avant d´être né à la Terre. »
Et son corps reste anéanti et son âme reste en contemplation su Soi encore trois jours.
Alors avant que revienne une nuit il s´éveille, il  regarde le Soleil de la Terre et celui-ci descend dans les Ténèbres.
L´Homme éternel est, étant mort avant de naitre à la Terre.
Il dit : « Je suis la Vie »
Et Elle le regarde et demande : « Qui suis-je ? »
Il répond : « Tu es l´apparence. Mais si tu veux aussi renoncer à l´apparence tu seras aussi la Vie. Et tu seras, en toi, la Vie, comme moi. Et, dans chacun de nous l´âme unie de chacun vivra éternellement ; et elle sera connaissant. Et tout périra, mais toute « âme unie » vivra car elle est vie éternelle. Lumière sans ombre. »
Et l´Homme éternel, anéanti dans la contemplation de la Lumière est un en chacun. Et c´est sa plus grande joie, car nulle contradiction ne subsiste.
Et le Oui habite son cœur et le Non habite sa tête, et c´est le cœur qui commande.
Sa tête dit Non et veut, son cœur dit Oui et ne veut rien.
Il ne veut pas monter car il est au sommet
Il ne veut pas grandir car il est le plus grand.
Il ne veut pas donner car il est le don rayonnant.
Il ne veut pas adorer car il est adoration.
Il ne veut pas aimer car il transmue tout en lui
Il ne veut pas posséder car il est Tout,
Il ignore le Beau car il est la Beauté.
Il ne cherche pas Dieu car Dieu est en Lui
Il ne peut pas mourir car il est mort avant de naître.
Et il dit : « Qu´est ce Moi ? ». il connaît tout, mais il ignore le Moi.
Et les hommes dualisés disent : « Quel est celui-là qui passe ? il se moque de tous et de nous »
Mais il passe et se donne.
Et les hommes dualisés disent : « Haïssons-le »
Seuls les animaux vont à lui et leurs yeux tristes irradient la confiance.

 

 

RÉVEILLER LA PRINCESSE ENDORMIE

(CHAPITRE XV Pour E.J.Gold, la "machine biologique humaine" )

RÉVEILLER LA PRINCESSE ENDORMIE

Nous savons maintenant que pour être opération­nelle en tant qu'appareil de transformation, la machine biologique humaine doit être éveillée, car ce n'est qu'une fois éveillée que ses fonctions transformation­nelles peuvent être pleinement activées. 
Nous devons donc trouver le moyen d'éveiller, à volonté, la machine, ainsi qu'un moyen fiable de nous assurer que la machine est effectivement éveillée. 
Il nous faut pour cela commencer par étudier la façon dont l'être essentiel et la machine interagissent dans leur relation, et les conditions de cette relation. 
Établir un parallèle avec la relation d'un couple peut, à ce point, nous être utile, car nous pourrons plus faci­lement y observer des phénomènes qui sont communs aux deux relations. 
Si nous observons un couple, un homme et une femme, en nous posant la question de savoir ce que la femme attend de l'homme, la réponse est, somme toute, évidente. La femme n'a d'autre désir que de voir se poser sur elle la plus totale, la plus profonde et la plus constante attention d'un homme. Elle veut pouvoir s'y plonger, s'y abandonner, et lorsqu'elle y parvient, elle peut alors, et alors seulement, rendre à l'homme cette adoration.
Elle ne désire réellement rien d'autre de lui que sa plus totale adoration et tout ce qu'elle fait, du maquillage à la maternité, des journées de chasse passées à patauger dans la boue aux soirées de cham­pionnat de football devant la télé, n'a d'autre but que d'essayer d'attirer l'attention vagabonde de l'homme. Elle fera toujours tout son possible pour captiver cette attention et devenir l'unique objet de son adoration.
Pourquoi croyez-vous donc que la femme consacre la plus grande partie de sa jeunesse à apprendre toutes ces poses et démarches affectées, si ce n'est dans l'es­poir, par ces moyens de séduction, d'attirer l'attention d'un homme ? 
Pourquoi croyez-vous donc qu'elle passe ainsi des heures devant un miroir, entraînant inlassablement sa machine à tout un répertoire de sourires enjôleurs, de moues boudeuses, et d'inflexions de voix, tantôt cares­santes, tantôt cassantes, afin de maîtriser toute la gamme des émotions ?
Pourquoi donc s'enduirait-elle ainsi le corps et le visage d'émollients, de boues et d'autres substances cosmétiques diverses, passant des heures et des heures à s'épiler, se pédicurer, se manucurer, se maquiller, se coiffer ? 
Ce jeu de la séduction n'est pas chez elle inné, mais elle sait intuitivement qu'elle doit sacrifier à ces arti­fices afin d'attirer et de captiver l'attention d'un homme, tant qu'elle possède encore ce qui est capable de le séduire, ne serait-ce que momentanément, et même si l'homme doit par la suite se rendre compte qu'il s'est laissé attraper par un simple jeu d'artifices. 
Mais si tel est l'unique désir de la femme, quel est donc celui de l'homme ?
Il ne désire rien d'autre que préserver à tout prix la liberté de son attention afin de pouvoir la poser là où bon lui semble. Il n'a d'autre envie que de s'amuser ou de se distraire. Son attention est toujours éparpillée et instable. La volonté d'attention d'une femme et d'un homme sont si dissemblables que l'on pourrait presque croire, au premier abord, avoir affaire à deux races dis­tinctes ! 
Afin de toujours se trouver dans le champ d'attention de l'homme, la femme doit donc anticiper chacun de ses nouveaux désirs et s'y adapter : ainsi, si l'homme se découvre une passion pour l'informatique, elle doit s'y intéresser, même si rien, en soi, ne l'y attire. Puis, si l'homme s'intéresse ensuite aux sciences, elle devra également s'y intéresser, et, de plus, faire en sorte de lui devenir, d'une manière ou d'une autre, indispen­sable dans ce domaine. Et ainsi de suite, au gré des fantaisies de l'homme... 
Une véritable femme est prête à tout pour obtenir cette attention et doit, pour cette raison, accepter de renoncer à tout ce qui lui est propre et s'abandonner aux moindres désirs de l'homme, aussi aliénants ou dégradants puissent-ils être, afin d'attirer et de capti­ver son attention. Nombreuses sont celles cependant, qui, ne réussissant pas, ou ne désirant pas tout aban­donner pour une telle quête, se résignent à poursuivre leurs simples intérêts personnels. Mais si une femme découvre par chance ce que peut être, malgré tous les sacrifices, l'adoration d'un homme, elle n'aura alors plus d'autre souci que de développer et d'approfondir une telle relation, afin d'être enfin désirée, touchée et ultimement, comblée.
« Comblée » est une expression qui, devenue triviale, ne rend malheureusement pas justice à l'inextinguible soif d'attention qu'une femme éprouve dans sa relation avec un homme, à la profonde souffrance que crée en elle le fait de ne pouvoir être comblée, de ne jamais pouvoir atteindre la plénitude de son être. 
Au plus profond d'elle-même, dans l'intimité de son coeur, elle n'a jamais désiré autre chose que d'être connue, dans le sens biblique et littéral du terme. 

Et c'est ainsi que toute femme apprend à n'être qu'un objet de désir, n'ayant d'autre espoir que celui du jour où l'attention d'un homme se posera enfin sur elle, même si cela n'est que par hasard, éveillant son coeur par l'intense radiation d'une totale adoration.

Mais il est bien rare qu'un homme comprenne cela et nombreuses sont les femmes qui, bien qu'ayant tout ce qu'un être humain peut désirer, se voient obligées de recourir aux artifices de la séduction afin d'attirer, de voler même, l'attention d'un homme. La séduction est le plus souvent le dernier recours du désespoir.
Séduire, fasciner ne signifie pas simplement charmer, envoûter, captiver, mais avant tout accaparer l'atten­tion d'un homme, que ce soit par l'intelligence, par la beauté, ou bien encore par de perpétuelles remon­trances, scènes, discussions et maux divers. Tous les moyens sont bons pour attirer l'attention, et lorsque même la séduction échoue, il reste toujours l'intermi­nable litanie des névroses, maladies psychosomatiques et drames familiaux qui sont devenus l'arme de prédi­lection de la mère de famille contemporaine. Séduire ou rendre fou, peu importe le moyen, pourvu qu'on obtienne le résultat désiré.
Une femme sait, de façon innée, que sa vie ne peut être complète sans un homme, mais elle ne sait que rarement que cette relation va bien au-delà de l'inti­mité ordinaire.
Elle sait intuitivement que quelque chose d'extraordi­naire doit se produire mais, ne sachant pas consciem­ment quoi, sa quête d'un homme dans la vie ordinaire est irrémédiablement vouée à l'échec.
Car tant qu'une femme n'a pas appris à maîtriser consciemment le jeu de la séduction dans le cadre du Travail, et quand bien même aurait-elle par chance réussi à attirer et captiver l'attention d'un homme, elle ne saurait alors qu'en faire.
Elle ne peut en effet, dans le cours de la vie ordinaire, savoir que ce qu'elle désire ultimement d'un homme ne peut être obtenu que par une relation mutuelle d'initia­tion et de transformation.
Quant à l'homme, il n'a en général pas la moindre idée de ce que désire réellement une femme, son princi­pal souci étant d'éviter à tout prix de se retrouver impliqué dans une relation sérieuse. Sa relation avec les femmes est celle d'un enfant avec ses jouets : à peine en a-t-il obtenu un nouveau qu'il s'en lasse et qu'il lui en faut un autre, toujours et encore !
Mais tant que son attention demeurera ainsi, tou­jours sujette à la séduction d'une autre femme, il ne pourra jamais se consacrer réellement à une relation d'initiation réciproque.
Comment donc une telle relation d'initiation peut-elle s'établir entre deux espèces qui, bien que si différentes, doivent néanmoins s'unir pour leur évolution mutuelle?
La femme doit-elle déclarer à l'homme : «Je dois être l'unique objet de ton désir et de ton attention. Ce n'est qu'en moi que tu pourras trouver ce que tu as toujours désiré, car moi seule sais ce que tu as toujours désiré. Rejoins-moi et ne me quitte plus jamais : ne détourne plus jamais ton regard de moi, ne serait-ce que pour un instant.
« Aventure-toi dans le labyrinthe de l'amour et cherche-moi. Si tu m'y retrouves, tu auras alors tout ce que tu as jamais désiré, tout ce que tu peux espérer. »
Si jamais une femme osait dire une telle chose à un homme, il est fort probable que celui-ci, dans son désir panique de quitter la pièce, se découvrirait de surpre­nants dons de passe-muraille qui ne sont généralement que l'apanage des personnages de dessins animés !
Comment une femme pourrait-elle alors convaincre un homme que rien de réel ne peut être accompli si ce n'est par ce processus d'initiation mutuelle : qu'il n'y a pas d'autre initiation que celle-ci et que tout ce qu'il a jamais recherché ne se trouve ni au bout du monde, ni au plus profond de lui-même, mais tout simplement en elle?
Tel est le dilemme auquel sont confrontées, depuis plusieurs dizaines de milliers d'années, les femmes : comment une femme peut-elle expliquer à un homme ce qu'elle sait intuitivement au fond d'elle-même sans pour autant détruire le fragile petit ego de l'homme ?
C'est pourquoi une femme accepte d'attendre patiem­ment pendant des années, que l'homme, s'étant lassé de parcourir en vain le monde, vienne calmement s'al­longer à ses côtés et poser sur elle, pour ne jamais plus l'en détacher, un regard de complète adoration.
L'homme peut alors devenir, s'il accepte de se sacri­fier, cette essence alchimique particulière qui seule peut, en se consumant, allumer le feu sacré de sa matrice, de son cœur initiatique, et s'y annihiler totale­ment, éveillant ainsi la princesse endormie.
Ce n'est qu'éveillée qu'elle pourra alors le ressusci­ter : l'homme doit donc, tout comme Osiris le fit par amour pour Isis, être prêt à se sacrifier afin d'allumer le feu intérieur de la femme, tout comme une mère est prête à se sacrifier pour ses enfants.
L'homme doit apprendre auprès de la femme que ce n'est qu'en consumant son cœur d'une adoration totale pour elle, qu'elle pourra alors être prête, en retour, à sacrifier sa vie pour lui.

Pour E.J.Gold, la "machine biologique humaine"


LA LUMIÈRE CRUCIFIÉ


 
   Dans  la vérité du Mythe, les Noces sont un perpétuel renouveau, car l´Epouse n´est autre que notre  psyché, et l´Epoux est l´énergie cosmique qui la féconde lorsqu´elle meurt par intermittence à elle-même et redevient vierge et neuve, toujours présente à l´instant qui surgit.
L´étincelle qui la traverse alors, peut ou non porter son fruit : ce « fils » n´a aucun attachement pour la psyché, et elle n´est jamais mère, elle est toujours épouse et ne connaît pas ses propres œuvres.
Son fils innombrable ne naît pas ; il ressuscite et disparait aussitôt dans le sein de la vie cosmique, du « Père » qui l´a engendré. Personne ne le voit car il n´a pas de corps, mais chacun peut voir sa trace et ses œuvres, car il est partout.
Cette Connaissance en tant que mythe a eu son rôle à jouer dans le passé. Aujourd´hui le mythe doit mourir et se classer dans les mythologies.
Rien ne peut nous justifier d´aborder le problème de la Connaissance par le mauvais bout de ses symboles, de ses archétypes, de l´inconscient individuel ou collectif, d´un retour au passé, car la Connaissance est immédiate ; elle est notre propre maturité.
La crucifixion, dès lors, retrouve son vrai sens ; loin d´être un supplice et une mort, elle est un état de repos ; elle est, à la fois, la séparation et l´union du monde invisible de Aleph et du monde matérialisant de Yod. Elle est la vie intense, immobile en apparence, de vibrations  trop rapides pour être perçues.
La vraie croix est vivante. Elle n´est nulle part aussi bien décrite que par la graphie du Aleph. Sa ligne sinueuse en diagonal est l´élément vivant primordial. Cette forme est confirmée par la recherche scientifique ; la vie organique naît lorsque, dans une cristallisation, un élément se met en travers de la symétrie et la brise. Dans le Aleph, cette ligne transversale est frappée par un marteau à sa partie supérieure (c´est la pulsation du monde invisible) et possède une jambe à sa partie inférieure (c´est l´évolution en marche).
Cette graphie représente le Aleph tel qu ´il est, et tel qu´il n´est pas. On ne doit jamais oublier qu´il est impensable. Penser une représentation, un symbole, n´est pas lui donner vie. Dès qu´on imagine la croix en marche, elle se fige dans son aspect le plus connu ; une ligne verticale coupée par une horizontale à une hauteur qui suggère un homme, les bras étendus. L´imagination fait le reste :elle y cloue un dieu et l´immobilise dans un pseudo-événement historique.
On peut définir l´enseignement gnostique comme étant le refus de ces projections matérialisantes. La Gnose a toujours exploré le mystère de la vie intérieure et rejeté l´enseignement canonique selon lequel cette vie peut être vécue par le truchement d´un mythe objectivé.
Selon la Gnose, par conséquent, la crucifixion existe et n´existe pas, elle a eu lieu et n´a pas eu lieu, elle se perpétue et échappe à la durée.
Je ne choisirai qu´un exemple de ces écrits mystiques. J´ai sous les yeux le texte établi en anglais par G.R.S. Mead d´un fragment des « Actes de Jean », compilés et rédigés par Leucius, surnommé Charinus, probablement vers l´année 130. J´en traduirai librement quelques fragments qui peuvent nous intéresser du fait qu´ils sont semblables à d´autres écrits gnostiques.
Le texte est attribué à Jean. Il fait suite au récit d´un Mystère chanté et dansé par Jésus et les siens. Ensuite, au moment de la crucifixion, les apôtres s´enfuient chacun de son côté. Quant à Jean, ne pouvant supporter la vue du supplice, il court en pleurant se réfugier sur le Mont des Oliviers.
Dans une caverne, le Maître lui apparaît. « Jean, lui dit-il, pour la multitude en bas, à Jérusalem, on me crucifie, on me transperce avec des lances et des ronces et l´on me donne à boire du vinaigre et du fiel. Maintenant je te parle ; écoute ce que j´ai à te dire. »
Ayant ainsi parlé le Maître lui montre, dressée, une croix de lumière, autour de la croix une grande multitude, et dans la croix, une multitude sans forme.
Jean perçoit le Maître au-dessus de la croix. Il n´a pas forme mais il parle.
« Cette croix, lui dit-il,  a beaucoup de noms pour les hommes ; Logos, Esprit, Jésus, Christ, Porte, Sentier, Pain, Semence, Résurrection, Fils, Père, Vie, Vérité, Foi, Grâce….Mais en vérité elle est la délimitation de chaque chose, la nécessité de distinguer ce qui est fixe de ce qui est instable. »
Le Maître développe ensuite longuement le sens multiple de la croix. De même qu´elle est Sagesse en harmonie, il y a ceux de la Droite et ceux de la Gauche (puissances, autorités, principalités,  daïmons, énergies, menaces, colères) et il y a aussi les racines profondes d´où sont sorties toutes choses en genèse. La croix est un rayon qui sépare et agglomère à la fois ce qui procède du mouvement de l´existence et ce qui n´est pas en genèse.
« Cette croix-  ajoute le Maître- n´est pas celle que tu verras lorsque tu descendras d´ici ; ni suis-je celui qui est sur cette crois-là, moi que tu ne vois pas en ce moment, mais dont tu entends la voix.
« On m´a tenu pour ce que je ne suis  pas, n´étant pas ce que j´ai été, pour d´autres que toi. En vérité, ils me donnent d´autres noms, abjects et indignes de moi. Ils ne voient pas le lieu de mon repos et ils n´en parlent pas. A plus forte raison ils ne me voient ni ne parlent de moi, qui suis le Seigneur de ce lieu.
« la multitude que tu vois autour de la croix de lumière est une des apparences de la Nature inférieure. Quant à la multitude qui est à l´intérieur de la croix, si elle n´a pas de forme, c´est parce que tous les membres de Celui-qui-est descendu ne sont pas encore rassemblés.
« Mais toi qui maintenant m´écoutes, tu deviendras la Nature supérieure, la race qui répond à l´appel de ma vois lorsque je l´aurai prise sur moi. Alors elle ne sera plus ce qu´elle est maintenant.
« Tant que tu ne te diras pas mien, je ne serai pas ce que je suis. Mais si tu m´écoutes, tu seras, en m´entendant, tel que je suis lorsque tu es te que je suis avec moi-même.
« Ne prête pas attention au grand nombre et ne te soucie pas de ceux qui sont privés de mystère. Sache que je suis totalement avec le Père et le Père avec moi.
« Je n´ai donc aucunement souffert ce que l´on dit de moi. Cette Passion et tout ce que je t´ai montré en la dansant, je veux qu´on l´appelle un mystère.
« Ce que tu es, tu le vois. C´est cela que je t´ai montré. Mais ce que je suis, moi seul le sais et nul autre.
« Ce donc, qui est mien, souffre que je le garde ; mais ce qui est tien, vois-le à travers moi. Me voir tel que je suis réellement, j´ai dit que cela n´est pas possible, tu ne peux voir que ce que tu reconnais comme m´étant proche.
« Tu as entendu que j´ai souffert ; pourtant je n´ai pas souffert ; que je n´ai pas souffert  et j´ai souffert pourtant ; que j´ai été transpercé, mais je n´ai pas été frappé ; que j´ai été cloué, que mon sang a coulé, et il n´a pas coulé. En vérité, ce que l´on dit de moi ne m´est pas advenu et les choses que l´on ne dit pas ont été ma souffrance.
« Comprends donc, en moi, la meurtre d´un Verbe (Logos), le percement d´un Verbe, le sang d´un Verbe, la blessure d´un Verbe, un Verbe pendu, un Verbe cloué, la Passion d´un Verbe, la mort d´un Verbe.
« Et ainsi je parle en séparant l´homme. Comprends d´abord le Verbe, ensuite tu comprendras le Seigneur, et en troisième lieu seulement tu comprendras l´homme et ce qu´il a souffert.
« Et m´ayant dit ces choses-  conclut Jean-  et d´autres que ne sais pas dire telles qu´il les a dites , il fut enlevé, et personne, dans la multitude, ne s´en aperçut.
« Et lorsque je redescendis, je me moquai d´eux lorsqu´ils me dirent ce qu´il lui avaient fait, car je possédais fermement en moi-même cette seule vérité, que le Seigneur avait mis ces choses en œuvre symboliquement, selon sa dispensation, pour la conversion de la salut des hommes »
Concluons nous-mêmes, en langage de notre époque. Avec  la croix nous sommes parvenus à un symbole de synthèse, où tous les symboles que nous avons vus jusqu´ici, après avoir parcouru de vastes cycles et subi de nombreuses métamorphoses, se superposent et, de ce  fait, disparaissent à la façon dont disparaissent les couleurs du spectre lorsque, se concentrant en un point, elles restituent la lumière incolore.
La croix sépare et élabore en une unité le monde de Aleph et celui du Yod, les « eaux- d´en- haut » et les « eaux- d´en- bas », les « ténèbres » et la « lumière », le Aleph et le Reisch, et, en l´homme, le contenu et le contenant, l´intemporel et la psyché.
La croix est un symbole de Noces perpétuelles. L´époux est à tout jamais invisible et imprévisible. Il échappe à la perception. Il est toujours là et il n´est pas là. Lorsqu´il n´est pas reçu, quelque chose en nous meurt d´une mauvaise mort. L´épouse- la psyché- lorsqu´elle le reçoit redevient vierge, et pour le recevoir elle doit avoir retrouvé sa virginité. Malheur à elle, lorsqu´elle se dit mère ! Elle n´est plus qu´un vieille accumulation de temps, figée dans la durée.
Selon qu´on voit la croix dans sa substance de lumière ou dans la substance épaisse des apparences, elle est nue ou revêtue d´un crucifié. Et selon que la psyché se rêve elle-même ou rêve d´un époux, c´est elle-même qu´elle crucifie toute seule, abandonnée sur sa croix d´ignorance, ou c´est l´époux qu´elle crucifie en pensant ainsi échapper au supplice.
Lorsque les Noces ont lieu, elles sont, elles, lumière et croix de lumière, Verbe-vibrations et Verbe-action : Hermès et Aphrodite en un seul être.

Extrait de « La Bible restitué » de Carlo Suares

KARMA (« LES FONDEMENTS DE LA MYSTIQUE TIBETAINE »)
Le caractère, en effet, n´est rien d´autre que la tendance de notre volonté formée par des actes répétés. Chaque chose faite laisse derrière elle une trace, un sentier frayé par la marche, et partout où existe un sentier une fois commencé, nous y trouvons, si une même situation se présente, notre voie naturelle, la direction que nous prenons spontanément. Telle est la loi de l´acte qui continue d´agir, du karma, qui n´est pas autre chose que la loi du mouvement dans le sens de la moindre résistance, c´est à dire sur le chemin déjà tracé et parcouru, le plus commode, par conséquent ; ce que nous appelons, dans la vie de ce monde , « la force de l´habitude ».
Ainsi, tout comme le potier tire de l´informe argile divers récipients, par nos actes, nos paroles et nos pensées nous créons, avec les matériaux sans forme de notre vie et de nos impressions sensibles, les réceptacles de notre future conscience, à savoir ce qui donne à cette conscience sa forme et son orientation.
Quand on quitte une vie pour entrer dans une autre, c´est la conscience ainsi modelée qui forme le germe de l´être nouveau.….

Extrait de « Les fondements de la mystique tibétaine »

LAMA ANAGARIKA GOVINDA

 

 

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